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HOMMAGE AUX ANCIENS
Histoire. Comment ne pas parler dans ce premier numéro
d’Esku Pilota Magazine de nos anciens champions ? Des lé- gendes et des mythes qui ont illustré la grande histoire de la pelote basque à main nue. Ils font partie de notre Panthéon sportif et culturel, celui qui sert de référence à tout un peuple de pelotazale.
Pour en parler, j’ai préféré (re)donner la parole à un merveilleux passionné de la pelote, un écrivain plein de verve, d’ex- pertise et de talent littéraire : Louis Etcheto, alias Chipitey, qui était né il y a plus d’un siècle à quelques jets de pelote du trinquet Saint-An- dré à Bayonne. L’homme au béret inamovible, qui avait servi quatre présidents de Fédération, nous a laissé un livre que chacun devrait avoir lu au moins une fois dans sa vie s’il aime la pelote. Publié en il y a une trentaine d’années par les éditions Porché aujourd’hui disparues, cet ou- vrage de référence intitulé « Ils étaient les meil- leurs » dresse le portrait de grandes  gures de pelotaris d’un passé proche ou lointain.
J’ai pris le parti d’en extraire les bonnes feuilles qui concernent Perkain, les Dongaïtz, Arram- billet père et  ls et Joset Laduche. Nous re- viendrons volontiers sur la vie d’autres cham- pions dans nos prochains numéros.
Coup de rétro sur des champions hors normes ! # Roland Machenaud
PERKAIN, L’INSOUMIS
Que peut-on écrire sur cet homme dont on ignore tout, son souvenir n’ayant survécu que par la légende tissée autour de la tragédie des Aldudes, un jour de l’été 1793. Héros d’une époque, symbole de la résistance des Basques qui n’admettaient pas les diktats venus de Pa- ris.
Perkain fut un très grand champion, le meil- leur de son époque, les poètes basques, nos bersularis, nous permettent de retrouver ses plus grands exploits, ses victoires retentis- santes dans des dé s tout aussi retentissants. Mais que s’est-t-il donc passé en ce dimanche
«Ils étaient les meilleurs» par Louis Etcheto, alias Chipitay aux éditions Porché.
d’un bel été de l’an 1793, seul sur le fronton des Aldudes, une heure à peine après que, spontanément sur le coup de midi, malgré l’abscence de l’Angélus interdit, les milliers de Basques présents se soient levés, sous le re- gard furibond des forces de l’ordre.
Ce dimanche là était jour de fête pour la com- mune montagnarde. Un fameux dé  dont parlait tout le Pays basque depuis plusieurs semaines allait se dérouler devant les gens accourus de partout. Un quatuor renommé du Labourd allait affronter l’équipe locale qui ne pouvait espérer la victoire qu’avec la par- ticipation de Perkain le magni que, celui qui la menait de victoire en victoire. Mais serait-il là, le meneur de jeu disparu depuis de longues semaines ? Des bergers, descendus des mon- tagnes, af rmaient avoir vu Perkain qui leur avait con é un message : « Rassurez tout le monde en bas, dites à mes amis que je serai avec eux dimanche sur le fronton ». Oui, les bergers avaient rapporté ces paroles au vil- lage d’où le champion était proscrit, interdit de séjour, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort. Qu’avait-il donc fait le pilotari ? Volé, tué ? Bien sûr que non, chose impensable dans nos campagnes, surtout à l’époque. De la contrebande ? Les frontières n’existaient pas. C’était beaucoup plus grave, il continuait, malgré les interdits, à assister aux messes clandestines du dimanche. N’avait-on pas, quelques mois plus tôt, fusillé le vicaire des Aldudes, en plein marché de Saint-Jean- Pied-de-Port ?...
Le patron de la police révolutionnaire se pré- senta à la tête de ses hommes ce dimanche là aux Aldudes où il se doutait bien que mal- gré le danger qui planait au-dessus de sa tête, Perkain serait sur le fronton à l’heure dite.
Et il vint. Perkain, pénétrant sur le fronton au dernier moment. La foule, énorme, l’acclama longuement. L’exempt suivi de ses hommes  t quelques pas à son encontre avec l’intention de l’arrêter mais la foule commença à gronder en poussant des « Biba Perkain » avec tant de vigueur qu’il jugea plus sage de laisser la rencontre se dérouler. Rencontre épique, rap- portent les éditorialistes, et lorsqu’elle s’inter- rompit à midi, à l’heure de l’Angélus interdit, Perkain ostensiblement tourné vers les gen- darmes  t un large signe de croix. Un peu plus tard, l’Aldudar signait le dernier « kintze », ce- lui de la victoire devant la foule en délire. Les représentants de l’ordre (!) pénétrèrent sur le
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