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HARAMBILLET, PÈRE ET FILS : DE LA FORGE À LA CANCHA
À Espelette, le père du plus illustre de ses en- fants, le cardinal Etchegaray, était un modeste forgeron reconverti dans les machines agricoles. L’épouse de Darraïdou était aussi la  lle d’un forgeron, Inthamoussou. Et en fouillant dans le passé de Jean-Baptiste Harambillet, je découvre que son grand-père, le père de Mattin, était aus- si forgeron. Il n’y avait donc pas que de très bons pelotaris dans la cité du piment... Il y avait aussi la force (les forgerons) et la grâce (Agnès Souret, première Miss France).
Ainsi le père de Mattin Harambillet était forge- ron, un rude métier. Il habitait « Elissaldia » où il naquit le 31 janvier 1889, la même décennie que les Dongaïtz et Chiquito de Cambo, celui qui allait devenir comme eux un très grand cham- pion de pelote. Un sacré bonhomme ce Mattin, avec sa belle gueule de paysan, franc du collier. Habitué à la dure, solide comme un roc, il n’hé- sitait jamais, pour mieux assurer ses appuis, à enlever ses espadrilles a n de mieux défendre ses chances. Parce que dans cette famille, on n’aime pas beaucoup les perdants. Bien sûr, il ne manquait pas de gens bien intentionnés pour déclarer que c’était par économie, mais on peut très bien mêler l’utile à l’envie de vaincre. Ces mêmes personnes d’ailleurs laissaient entendre que notre brave Mattin se rendait parfois à pied sur les lieux où il devait jouer par esprit d’écono- mie. Des ragots qui trouvaient un semblant de justi cation lorsque l’Espeletar se rendait à pied à Cambo ou Larressore pour jouer, à Halsou pour prendre le train de Bayonne. Les habitués des canchas aimaient beaucoup cet homme simple qui se battait toujours jusqu’à la limite de ses forces, quel que soit l’adversaire. On aimait bien cette tête puissante, solidement plantée sur un cou musclé et terminée à son sommet par une courte frange taillée au sommet du front. Les joueurs qu’il devait affronter n’étaient pas n’im- porte lesquels, les deux phénomènes Porteno et Piztia, la tribu des Dongaïtz, les Haspandars Be- haska et Gorostiague, Chiquito, Atano III, Etche- baster, Leonis puis Arcé en  n de carrière. Des rencontres fracassantes où l’occasion d’enlever ses sandales ne manquait pas. Plus tard, alors qu’il approchait de la trentaine, il fut un guide éclairé pour celui qui allait défendre à son tour les couleurs d’Espelette, Auguste Darraïdou. Mattin Harambillet fut un grand arrière.
C’est à « Belçaïhandia » qu’est né son  ls Jean-Baptiste le 7 janvier 1917, là qu’il a été élevé au milieu de ses trois sœurs. De quel cham- pion n’aurait-on pas été privé, s’il n’avait eu que des  lles ? Du meilleur de la génération d’après- guerre, et peut-être du meilleur spécialiste de la navigation en solitaire dans nos canchas, de tous les temps. Je dis bien peut-être, les compa-
raisons à travers les générations sont toujours délicates.
Dans les rencontres par équipes, il a trouvé à qui parler d’égal à égal, avec les Arrayet, Dames- toy ou Atano IV d’abord, puis Aguer, Frédéric Dongaïtz ou Haran par la suite. Mais en combat singulier, il était irrésistible. Gabarit moyen mais admirablement bâti, torse puissant, hanches étroites, jambes tellement musclées qu’elles en paraissaient presque disproportionnées, et qui en ont fait le joueur le plus véloce. Ah ! les jambes d’Harambillet  ls, les pelotes im- possibles qu’il arrivait à récupérer, combien lui ont-elles fait gagner des parties ! Une volonté indestructible, égale à celle d’Édouard Arrayet, un ensemble de qualités qui inspirait beaucoup de respect à ses adversaires, lesquels entre eux, l’appelaient parfois « mentoun » à cause de son attitude favorite, quand au fond du trinquet, il attendait le but adverse, mâchoire en avant, comme un tiroir mal fermé.
« C’est à «Belçaïhandia» qu’est né son  ls Jean-Baptiste le 7 janvier 1917, là qu’il a été élevé au milieu de ses trois sœurs. »
A l’école, il préféra très tôt les prairies, le fronton et le trinquet. En  n d’après-midi, il s’échappait pour aller au bourg distribuer le « Courrier de Bayonne » et se mettre, lorsqu’il le fallait, à la disposition des demoiselles Jaure- guy, tenancières de l’hôtel du même nom, pour effectuer un travail qui n’exigeait aucun diplôme scolaire. Il s’agissait de remplir en eau potable, une citerne de 200 litres solidement  xée au grenier et qui alimentait l’hôtel. Un seau à chaque main, notre Jean-Baptiste allait jusqu’à la fontaine assez proche, et au bout d’une dou- zaine de voyages, la citerne se trouvait en état de remplir son of ce pour quelques jours. Carrière prodigieuse, palmarès of ciel copieu- sement garni, cependant je prends le risque d’avancer que ce sont peut-être des rencontres non of cielles mais acharnées qui ont assis plus que les médailles fédérales l’immense ré- putation d’Harambillet au Pays basque. Celles qu’il a disputées seul contre deux adversaires, rencontres épuisantes, bien plus exigeantes que le tête à tête, déjà immensément athlé- tique. Réclamant d’un joueur toutes les quali- tés d’un grand champion, le but, la technique, l’endurance, la puissance, des jambes et des poumons à toute épreuve.
En trente ans de carrière, il aura tout fait, le  ls de Mattin. Meilleur amateur toutes catégories à 16 ans, capable de tenir son poste contre les meilleurs professionnels à 18, intouchables dans les rencontres en solitaire, plus qu’hono- rable en mur à gauche où il compensait son
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