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fronton pour appréhender celui qui, un fois encore, venait d’enthousiasmer ses partisans. Perkain, immobile au milieu de la place, atten- dait calme, résolu, son gant de cuir à la main droite, une pelote dans la main gauche. Lorsqu’il jugea le commissaire assez proche, il glissa la pelote dans le gant, ajusta son en- nemi et l’atteignit en plein front. Assommé comme un bœuf à l’abattoir. Ceci témoigne d’une adresse surprenante, ce n’est pas les joueurs de rebot qui me contrediront.
La foule se  t complice de son héros, entou- rant les gendarmes, protégeant sa fuite. Perkain partit à travers la montagne, et en vé- rité, on n’a jamais retrouvé sa trace.
Qu’est-il devenu ? Où est-il passé ? Nul ne le sait. On a dit qu’il reparaissait de temps en temps pour embrasser une épouse qui n’ap- préciait guère les après-parties de son illustre époux...
UNE FAMILLE LÉGENDAIRE : LES DONGAÏTZ
Les Dongaïtz : une famille illustre, légendaire, n’ayons pas peur des mots, unique au Pays basque. Nom qui a  euri avec passion sur toutes les lèvres de l’Euskal Herri pendant un demi-siècle au plus haut niveau, émaillé de paris, de dé s gigantesques, toujours gagnés par les quatre frères. Certes, ils avaient leurs détracteurs : c’est toujours un bon signe... Et d’abord, Léon l’indestructible, l’ermite mys- térieux d’Urrugne, celui qui savait galvaniser son partenaire et semer le doute dans l’esprit de ses adversaires. Léon le diabolique, di- saient quelques ulcérés, et pourtant Dieu sait que rarement un athlète aura été pourvu d’au- tant de simplicité dans le refus des bains de foule, des vivats qui saluaient ses plus belles prouesses. Mais une détermination farouche, une vision du jeu unique, un stratège jamais égalé...
Ils étaient nés dans la ferme Dongaïtzenia mais étaient des Sorçabal, patronyme rare en Pays basque...
Le plus doué, de l’avis unanime, était l’ainé Joseph, un colosse fantasque dont la carrière fut abrégée par un accident qui le priva d’un œil. Avec son frère Jean-Baptiste qui était un arrière infatigable et d’une sureté des mains peu commune, ils écumèrent trinquets et frontons, au début du siècle. Jean-Baptiste était aussi calme et ré échi que Joseph était soupe au lait...
Le dernier Isidore, excellent lui aussi, quoique moins tranchant, avait tout comme Joseph une gauche formidable, de véritables ambi- dextres.
Comment quali er la carrière unique de Léon qui débuta en 1902 et la termina en 1949, 47 ans plus tard, en participant toujours à des
rencontres de haut niveau ? C’est tout simple- ment stupé ant, incroyable. Lors de sa partie d’adieu, sa « despedida », il avait 63 ans ! Pour l’occasion, il avait choisi son trinquet, celui de ses débuts qu’il avait acheté dès qu’il avait réu- ni l’argent nécessaire. Trinquet archiplein bien sûr, pour voir une dernière fois le sorcier en ac- tion, lequel avait choisi son  ls Frédéric pour partenaire. Débuter avec son frère et terminer avec son  ls, n’est-ce-pas un symbole ? Leur adversaire du jour : les deux meilleurs d’alors : Joset Laduche et Jean-Baptiste Harambillet. Ah, comme le public aurait voulu assister au miracle, à la victoire du vieux ! Mais à ce ni- veau dans ce milieu, le cinéma n’existe pas et les Dongaïtz furent logiquement battus. D’une dizaine de points seulement, ce qui fut quand même une performance extraordinaire... Entre 16 ans et 63 ans, Léon Dongaïtz impres- sionna : quand il pénétrait dans un trinquet, dans sa tenue immuable, chemise blanche sans col, manches taillées à mi-hauteur du coude au poignet, une large ceinture noire à boucle, le légendaire béret dont il ne se sépa- rait jamais, les parieurs lançaient leurs pronos- tics toujours en faveur de l’Urrugnar...
Léon Dongaïtz a été le seul joueur à qui on ait interdit de buter, à une certaine époque. Pas dans toutes les rencontres, dans certaines seulement. Il avait débuté au poste d’arrière, mais après la retraite de Joseph, il se retrouva avec Jean-Baptiste qui était un arrière, alors il passa à l’avant, pour continue plus tard avec Isidore, joueur arrière lui-aussi. Passé au poste d’avant, il  gnola un but « a pugno », c’est-à-dire par-dessus l’épaule, comme les tennismen, et ce but était d’une violence telle, que dans certaines rencontres on lui interdisait de servir de cette manière...
Léon est mort à 93 ans, permettant à la muni- cipalité d’Urrugne d’honorer la mémoire de ses illustres concitoyens. Je l’ai rencontré encore une dernière fois : il avait 90 ans et me dit le sourire un peu triste : « J’ai perdu ici à Urru- gne deux parties que j’aurais voulu tellement gagner, celle de mes débuts et celle de mes adieux ». Mais il en avait gagné tellement entre temps ! Dont le dé  d’Elizondo !...
Son  ls ainé Frédéric aimait raconter que sa plus belle victoire fut celle remportée en 1938 avec son père, alors âgé de 52 ans, contre deux bolides d’Hasparren, Durruty/Damestoy ! Frédéric a longtemps géré le trinquet Maïte- na à Saint-Jean-de-Luz avant de le céder en 1972.
« Les Dongaïtz : une famille illustre, lé- gendaire, n’ayons pas peur des mots, unique au Pays basque. »
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