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manque relatif de puissance par cette hargne incroyable. Un des tout premiers en place libre, il pouvait se retirer en toute tranquillité. C’est ce qu’il t en 1963, trente ans après la conquête de sa première médaille. Le destin l’y poussa un peu, il venait d’avoir des ennuis. C’est dif cile, savez-vous, de passer sa vie à proximité de la frontière sans qu’il vous en reste, malgré vous, quelque chose. La notion géographique, dans ces lieux, sont assez confuses...
JOSEP LADUCHE, LE PÈRE
À Ascain, il y a les Laduche. C’est en février 1885, au pied de la Rhune, que naquit Jean La- duche, nom peu courant au Pays basque mais qu’il allait se charger, lui d’abord et ses descen- dants ensuite, de rendre populaire dans les sept provinces que compte notre ethnie. Ceux qui ont connu le père Laduche, j’en fais partie, vous diront qu’ils ont rarement rencontré Basque plus typé que ce grand diable aux épaules de démé- nageur faisant péter les bascules qui n’arrivaient pas à marquer plus de 100 kilos, l’œil farouche, le béret en bataille, la moustache en broussaille, dont il ne faisait pas bon de contester les appré- ciations quand son ls Josep se produisait dans une partie de pelote...
« Au milieu des huit gosses qu’il eut, c’est Josep qui allait mettre ses pas dans les larges empreintes laissées par son père. »
Au milieu des huit gosses qu’il eut, c’est Josep qui allait mettre ses pas dans les larges em- preintes laissées par son père. Tout d’abord en commençant à travailler comme lui à 12 ans, ensuite jouer aussi à la pelote pour nalement atteindre un gabarit que le père Laduche n’a ja- mais pu renier. Il y avait de quoi s’occuper dan ce commerce, une auberge dans nos campagnes ne va jamais sans un peu de restauration, de multiples casse-croute, aussi la vente du tabac et celle des journaux. Il y avait même un cheval et une voiture pour faire le taxi. Dix personnes à nourrir tous les jours, sans compter le cheval, il fallait bien sortir l’avoine de quelque part... C’est avec Pettan Lascanotegui que Josep allait enlever son premier titre de champion de France amateur en 1941, sur le fronton de Baigorry, contre deux redoutables bas-Navar- rais, Borda et Pagola. Mais d’où sortir l’argent pour survivre ? Alors, le secours, la Providence vinrent de la montagne, la nuit de préférence, quand la Rhune tourne au violet. Mais il faut des jambes nerveuses, des reins solides, une connaissance parfaite des moindres sentiers et pas froid aux yeux. Oui, des reins solides, pour trimbaler pour ces sorties nocturnes, sur des chemins escarpés des charges avoisinant par-
fois les 50 kilos, après avoir terminé une longue journée de travail. Tout ça pour un salaire équiva- lent à celle d’une journée d’un bon ouvrier. Alors à quoi bon ce mépris de certains envers ces contrebandiers...
À 22 ans, il fut classé professionnel et épousa une charmante jeune lle, Pantxika Tapia, en 1943. Les gens des alentours af rmèrent que Josep venait de faire la plus belle affaire de sa jeune existence. Les époux décidèrent de prendre les responsabilités d’un hôtel à Saint- Pée-sur-Nivelle, un hôtel moyen d’une vingtaine de chambres... Il ne resta pas longtemps à Saint- Pée et retourna chez lui à Ascain, dans l’im- meuble où il était né, le vieux commerce de ses parents qu’il transforma pour l’appeler l’Auberge. La clientèle af ua vite, il avaient tous les deux le goût du commerce, et ne venait-il pas d’enlever le titre de champion de France, son premier dans cette catégorie, en compagnie de Frédéric Don- gaïtz ? Ses progrès techniques furent étonnants. Servi par une puissance colossale, une volée qui faisait mouche dans tous les sens et une gauche qui a dérouté même les plus forts.
Josep et ses 105 kilos, d’un coup de patte gauche, vous aurait envoyé un bonhomme pas- ser une semaine en clinique. Alors pensez, une pelote de 92 grammes...
Son palmarès est éloquent : de 1946 à 1950, champion de France sans interruption avec Aguer, Puis en 1957. Avec d’extraordinaires pres- tations en place libre, spécialité de ses débuts... Parmi ses succès retentissants, j’en citerai deux, signi catifs. Le premier en compagnie du tout jeune Pierre Vivier, déjà bourré de talent, contre les intouchables Aguer et Harambillet. En mur à gauche, avec Prosper Saint-Martin, il fera aussi toucher les épaules à ces deux mêmes cham- pions...
Entre deux parties, une idée trottait souvent dans sa grosse tête, lui revenant chaque fois qu’il passait devant cette prairie, presque en face de l’Auberge. Quel bel endroit pour y construire un trinquet à As- cain, à deux pas d’où il était né, où il en avait bavé certes parfois, mais qui lui rappelait tant de sou- venirs. Il lui arrivait de faire des comptes approxi- matifs mais qui n’étaient jamais roses. Cependant il trouvait une raison d’espérer lorsqu’il comparait sa situation à celle de son père...
Le destin lui réservait une satisfaction, peut-être la plus belle. Pampi promettait de devenir un joueur exceptionnel. Tout comme ses frères, il a commencé très tôt, le petit Jean-Pierre, à tâ- ter de la pelote, mais avec un avantage sur les ainés : le trinquet était là, prêt à le recevoir, et Aita disposé à guider ses premiers pas. Son frère Philippe avait été couronné champion du monde, au trinquet de Saint-Sébastien en 1972 mais Pampi allait devenir le grand millésime, la cuvée réservée, le meilleur joueur de sa géné- ration...