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il payait la rançon des parties éreintantes, des luttes sans merci, lui, l’artiste, peu fait pour les combats harassants. Songez qu’un jour, face à Mondragones, il eut à re ler plus de 200 pelotes dans le même point. Il y avait égale- ment la perspective d’affronter chaque fois un Arrayet ou les jeunes loups qui commençaient à pointer leurs crocs avides de gloire, les Damestoy, Saint-Martin, Behaska, et le dernier venu, Frédéric Dongaitz, auquel s’ajoutait le jeune frère de Atano III, le quatrième de la famille.
Au trinquet d’Oloron, il fut opposé en tête à tête, à Prosper Saint-Martin, beaucoup plus dangereux que certains le pensaient, mais pas au point de battre un Arcé. Cepen- dant, c’est ce qui arriva, Amédée s’inclina et tira la leçon de cette défaite, au cours de laquelle il se rendit compte une fois de plus, qu’à un certain niveau de fatigue, le bras réagissait mollement. Trop  er pour jouer les utilités, il préféra s’arrêter, il n’avait pas encore atteint sa 35e année. Cela faisait près de 15 ans qu’il faisait crépiter les ap- plaudissements d’un public charmé par le talent de celui qu’un chroniqueur espagnol avait surnommé « Le magi- cien de la pelote ». Son jeu, tout de souplesse, exploitait à merveille tous les avantages qu’offre le jeu de trinquet. Une pelote qui touchait un mur, qu’il soit latéral ou mur du fond, devenait aussitôt une balle d’attaque. L’allure était trompeuse, la violence de frappe ne se découvrait que lorsque la pelote heurtait le mur, cette pelote qui semblait avoir été ef eurée, caressée, percutait le fronton à une vitesse insoupçonnée.
Le voir reprendre des « parets », ou des « errebots » était à lui seul un spectacle pour les puristes. Au Trinquet Mo- derne, un dimanche, il nous fait assister à quelque chose de jamais vu. Sur une balle qui allait le déborder, tournant le dos au fronton, il prend les jambes à son cou pour se précipiter vers le  let du fond. Il était parvenu vers la 7e raie, lorsque la pelote touche le mur au-dessus du tam- bour, dans le jargon c’est un « paret ». La pelote avait fait « pic », accéléré sa vitesse sur le tambour incliné et dé- gringolait en trombe vers le milieu du
trinquet à la hauteur d’Arcé qui tou- jours dos au mur, est tout d’abord surpris, dans un geste d’une élé- gance rare, arma son revers comme un joueur de gant appuyant son coup en tenant son poignet droit de sa main gauche. Il s’empara de la balle qui lui arrivait droit dessus à hauteur de ceinture, et d’un coup de revers, déborda partenaire et adversaires en expédiant la pelote au fond. On eut juré que cet exploit acrobatique avait été programmé. Quelle ovation, mes seigneurs !...
Il s’est retiré paisiblement dans la maison familiale, l’auberge deve- nue hôtel. Il y coula des jours heu- reux, sans heurts, l’esprit de famille n’est pas un mot creux dans nos campagnes.
Pascal et Christine Arcé, la cinquième géné- ration qui perpétue l’excellence familiale dans leur hôtel restaurant de Baigorri.
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