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Même si son nom n’a jamais  guré sur une ta- blette of cielle, ce Bayonnais mérite quelques lignes. Il aurait certainement fait un grand joueur, sans une malheureuse affaire qui mit  n à ce talent naissant et brisa le reste de sa vie. Arcé ne m’en voudra pas de lui consacrer, ici, quelques lignes.
Il y avait à Bayonne, à cette époque, dans ce pe- tit périmètre dont la rue Pannecau était le centre et le trinquet Saint-André le point de chute, quelques jeunes garçons qui ne payaient pas de mine. Mal accoutrés, ef anqués, ils n’étaient pas épais mais solides, de
vrais chats maigres pos- sédés par deux passions, le rugby et la pelote. Ah, s’ils avaient été aussi as- sidus à l’école ! Toujours fourrés au trinquet, ils en connaissaient les  celles, bien mieux qu’un cha- noine son presbytère. Le patron de ces affamés, au trinquet, Lucien Intsaby.
Un de ses passe-temps
favoris, c’était le jeudi jour
de marché, où il attendait
sagement au trinquet l’ar-
rivée des Basques des environs qui ne man- quaient jamais de venir faire un tour dans le coin. Il leur proposait innocemment une partie de pelote, et malin en diable, il masquait son jeu pendant les premiers échanges, puis proposait un pari, 20 sous ou 40 sous, à ses adversaires ravis de l’aubaine, mais qui, quelques minutes plus tard, n’en croyaient pas leurs yeux quand Lucien se mettait à jouer sérieusement. Il pos- sédait, entre autres, un revers de la gauche qui lui permettait d’expédier la pelote au  let du fond, pour un garçon qui culminait à 60 ki- los ce n’était pas trop mal, avec les pelotes de l’époque. En ont-ils fait et gagné des parties lui et son jeune frère Charlot, très bon lui aussi, et toujours le même scénario pour ra er quelques francs à ces braves paysans qui ouvraient des yeux comme des soucoupes, lorsque Lucien, le moment venu, sortait son fameux revers. On leur pardonnera ces petits subterfuges, en se rappelant que dans ces années-là, surtout rue des Cordeliers, beaucoup marchaient pieds nus. Eh oui ! Arcé avait eu un mal fou pour venir à bout de Lucien Intsaby.
Cette première défaite d’Arcé contre Darraidou sera la seule qui, pendant longtemps dans cette spécialité, ternira le palmarès du bas-navarrais. Il faudra attendre une douzaine d’années et l’apparition dans nos canchas du phénomène d’Azcoitia, Atano III, pour le voir s’incliner à nou-
veau, mais là, sans excuses, devant un grand joueur à la maitrise incomparable.
Il a un peu plus de 18 ans, lorsqu’il accomplit son premier coup d’éclat. Il bat largement, à la confusion des parieurs, un des meilleurs de l’époque, Mattin Harambillet, de 10 ans son aîné. Il faut ajouter que la guerre n’étant pas encore terminée, ce dernier, mobilisé, n’était sans doute pas dans une condition optimale, mais la per- formance reste probante. Le voilà lancé, mais le moment des grandes manifestations n’est pas encore là, il faut laisser la tuerie se terminer et
se réadapter à une vie normale. Il passe son conseil de révision, et heureusement pour lui, l’armistice est signée avant qu’il ne soit incorporé à Mont-de-Marsan. M. Jean Ybarnegaray, député, fait les dé- marches nécessaires pour qu’il soit muté à Bayonne, où il ter- minera son régiment à Châteauneuf, im- mense caserne forte- resse qui depuis Vau-
ban, pose son regard tranquille et réconfortant sur ses turbulents voisins du Petit Bayonne.
Juste en face de la grille d’entrée de ce réservoir de soldats, se dresse les premières maisons de la rue Pannecau. C’est une de ces vieilles bâtisses à colombage qu’une famille venue d’Ainhoa avait choisie pour y élire domicile : la famille Léonis qui comptait dans ses rangs un grand joueur de pe- lote. À égale distance du domicile de ce dernier et de celui provisoire de Arcé, devinait ce que l’on y trouve ? Ne cherchez pas, c’est l’ancêtre
« À 18 ans, il accomplit son premier coup d’éclat. Il bat largement, Mattin Haram- billet, de 10 ans son ainé »
de nos trinquets, le vénérable jeu de paume de Saint-André. Ce qui fait que chacun de nos deux gaillards n’avait qu’une centaine de mètres à parcourir pour se retrouver dans la fosse aux lions. Léonis plus âgé de peu d’années et Arcé se connaissaient, mais ce rapprochement aida sans aucun doute à la formation d’une équipe prestigieuse, qui allait devenir la coqueluche des jeunes et bien entendu, de la clientèle féminine. Pensez, deux beaux garçons, jeunes et remplis de talent qui poussèrent la coquetterie jusqu’à ajouter un petit quelque chose à nos tradition- nelles rencontres de pelote, un brin d’élégance.


































































































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